Reportage-photo intéressant de Paris-Match sur le Transalgérien en 1956...
3 participants
Trains du MIDI :: Sur les Rails Partout Ailleurs :: Sur les Rails de l'étranger ::
❾ - Les Autres Pays
Page 1 sur 1
François- Miniposteur
-
Nombre de messages : 96
Age : 73
Localisation : Bordeaux
Date d'inscription : 05/08/2012
Re: Reportage-photo intéressant de Paris-Match sur le Transalgérien en 1956...
Dans les archives de Match - À bord du Transalgérien
Le numéro 364 de Paris Match, sorti le 31 mars 1956, consacre sa une au transalgérien. Paris Match
En mars 1956, alors qu'on ne parle pas encore de « guerre » en Algérie mais d'« événements », les reporters de Match embarquent à bord du « transalgérien ». Ce train, qui relie Casablanca à Tunis sur 2 270 kilomètres, traverse l'Algérie. Pour le soixantième anniversaire des accords d'Évian, qui ont mis fin au conflit le 18 mars 1962, nous publions à nouveau ce reportage photo conçu, selon ses auteurs, « comme un hommage aux soldats et cheminots qui gagnent chaque jour la bataille du rail » et tentent de déjouer embuscades et sabotages. Voyage sur cette ligne à hauts risques.
[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image] 1/12
La troisième classe de l’autorail entre Constantine et Bône, où les militaires se mêlent aux civils. La voie unique de la ligne rend le réseau algérien particulièrement vulnérable. En seize mois, 22 cheminots ont été tués. François Pagès / Paris Match
[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image] 2/12
Le train, qui roule à 120 km/h, compte un wagon-restaurant mais aussi un wagon-lit. François Pagès / Paris Match
[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image] 3/12
Un sous-officier des transmissions rejoint son poste dans les Aurès, en Algérie, après une permission. François Pagès / Paris Match
[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image]4/12
Cette jeune femme retrouve son mari, qui revient d’Indochine où il a servi en tant que sergent. François Pagès / Paris Match
[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image] 5/12
Un responsable des chemins de fer et son employé étudient le parcours du train : c’est aux deux frontières de l’Algérie, dans la trouée de Taza, côté marocain, et dans le Constantinois que le danger est le plus grand. François Pagès / Paris Match
[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image] 6/12
Près du col du Touahar, dans le rif marocain, les légionnaires français assurent la sécurité des voies à la sortie de l’un des deux tunnels. Les jeunesses marocaines de l’Istiqlal, le parti nationaliste marocain, s’entraînent tout près. François Pagès / Paris Match
[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image]7/12
À Ain-Tahamimime, le poste d’aiguillage a dû être abandonné... François Pagès / Paris Match
[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image] 8/12
... même si les cheminots tiennent toujours la gare, qui a été fortifiée. François Pagès / Paris Match
[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image] 9/12
Les légionnaires veillent sur la sécurité du transalgérien. Les hommes de ces groupes spéciaux, qui s’appellent eux-mêmes « les commandos de la mort », disent alors avoir déjoué plus de 100 sabotages. François Pagès / Paris Match
[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image]10/12
Fortin roulant, le scout-car adapté au rail sécurise la voie avant le passage du train. François Pagès / Paris Match
[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image] 11/12
Entre Laverdure, dans le Constantinois, et Ghardimaou, la première ville de Tunisie après la frontière algérienne, une mechta est en feu après le passage de la Légion, qui la soupçonnait d’être un refuge de fellaghas, les combattants algériens qui luttent pour l’indépendance. François Pagès / Paris Match
[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image] 12/12
Ces passagers arrivés à bon port savent combien leur voyage était risqué. En trois mois, rien que dans la région de Constantine, on a compté 51 sabotages. François Pagès / Paris Match
En ce temps-là, mon père entrait dans l'adolescence. Il avait 13 ans et n'avait jamais vécu ailleurs que dans sa ville natale, Oran, la radieuse, la joyeuse, la ville des lions, espagnole, ottomane et française, sur les flancs du Murdjadjo. Il habitait rue Condorcet - aujourd'hui Nedjah Mahyou - à Miramar - aujourd'hui Haï El Moudjahidine - au 3e droite, un trois-pièces minuscule face à la mer, avec le ciel sur le toit entre les fils à linge. Mais ce jour-là, pour la première fois, l'attendait l'inconnu, l'imprévu : le train. Pas le tortillard, le « bouyouyou », comme on l'appelait, qu'il prenait avec ses parents en fin de semaine pour aller à la ferme à Misserghin, qui s'arrêtait partout et mettait des heures, si lent que les Arabes avaient le temps de descendre acheter des pastèques, des figues sur le bas-côté, et de remonter dans la rame en marche... Il me l'a raconté souvent. Ce train-là, le transalgérien, est différent. En Inox, plus sérieux, plus grave, sièges en cuir, wagon-restaurant... Il y a beaucoup de soldats avec des armes, des fusils-mitrailleurs, des sacs de sable. Ils sont jeunes et sourient, de ce sourire qu'on brandit quand on a peur et qu'on ne sait pas ce qu'on fait là, entre un vieil homme qui vend des cacahuètes, un autre endormi sous sa djellaba, et ce couple insouciant, elle coquette, joueuse, maquillée, bijoutée, avec leur petite fille et la fatma qui cache sa figure.
Dans ce train qui l'emmène, mon père ne sait rien encore de ce qui le tourmente. Il s'éloigne du lieu de sa naissance, de « là-bas », disaient-ils tous quand ils parlaient du pays, l'Algérie, dont ils ne prononçaient pas le nom. À gauche, la mer, à droite cette étendue jaune, plus grande encore, vers le sud, Sahara, wilayas jusqu'à Tamanrasset, ces noms sésames ouvrant la caverne de ses rêves. Il ne sait alors rien du lieu où ils vont, dans le chaos, le vacarme, le bourdonnement, le bercement de l'autorail. Mon père, mes grands-parents, que j'imagine là, leurs visages jeunes, lointains, effacés par le sable et le vent, le rouge sirocco. Leurs voix couvrent les secousses de l'Histoire, les cahots de l'oubli, traversent la mer, défient le temps.
La voix, c'est ce qu'il me reste en dernier de quelqu'un, moi qui ai toujours aimé les trains, les parfums et les échos des exils d'où je viens.
La suite après cette publicité
Anne Plantagenet est l'auteure de « Trois jours à Oran », éd. J'ai lu, 2015.
Le numéro 364 de Paris Match, sorti le 31 mars 1956, consacre sa une au transalgérien. Paris Match
En mars 1956, alors qu'on ne parle pas encore de « guerre » en Algérie mais d'« événements », les reporters de Match embarquent à bord du « transalgérien ». Ce train, qui relie Casablanca à Tunis sur 2 270 kilomètres, traverse l'Algérie. Pour le soixantième anniversaire des accords d'Évian, qui ont mis fin au conflit le 18 mars 1962, nous publions à nouveau ce reportage photo conçu, selon ses auteurs, « comme un hommage aux soldats et cheminots qui gagnent chaque jour la bataille du rail » et tentent de déjouer embuscades et sabotages. Voyage sur cette ligne à hauts risques.
[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image] 1/12
La troisième classe de l’autorail entre Constantine et Bône, où les militaires se mêlent aux civils. La voie unique de la ligne rend le réseau algérien particulièrement vulnérable. En seize mois, 22 cheminots ont été tués. François Pagès / Paris Match
[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image] 2/12
Le train, qui roule à 120 km/h, compte un wagon-restaurant mais aussi un wagon-lit. François Pagès / Paris Match
[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image] 3/12
Un sous-officier des transmissions rejoint son poste dans les Aurès, en Algérie, après une permission. François Pagès / Paris Match
[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image]4/12
Cette jeune femme retrouve son mari, qui revient d’Indochine où il a servi en tant que sergent. François Pagès / Paris Match
[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image] 5/12
Un responsable des chemins de fer et son employé étudient le parcours du train : c’est aux deux frontières de l’Algérie, dans la trouée de Taza, côté marocain, et dans le Constantinois que le danger est le plus grand. François Pagès / Paris Match
[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image] 6/12
Près du col du Touahar, dans le rif marocain, les légionnaires français assurent la sécurité des voies à la sortie de l’un des deux tunnels. Les jeunesses marocaines de l’Istiqlal, le parti nationaliste marocain, s’entraînent tout près. François Pagès / Paris Match
[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image]7/12
À Ain-Tahamimime, le poste d’aiguillage a dû être abandonné... François Pagès / Paris Match
[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image] 8/12
... même si les cheminots tiennent toujours la gare, qui a été fortifiée. François Pagès / Paris Match
[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image] 9/12
Les légionnaires veillent sur la sécurité du transalgérien. Les hommes de ces groupes spéciaux, qui s’appellent eux-mêmes « les commandos de la mort », disent alors avoir déjoué plus de 100 sabotages. François Pagès / Paris Match
[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image]10/12
Fortin roulant, le scout-car adapté au rail sécurise la voie avant le passage du train. François Pagès / Paris Match
[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image] 11/12
Entre Laverdure, dans le Constantinois, et Ghardimaou, la première ville de Tunisie après la frontière algérienne, une mechta est en feu après le passage de la Légion, qui la soupçonnait d’être un refuge de fellaghas, les combattants algériens qui luttent pour l’indépendance. François Pagès / Paris Match
[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image] 12/12
Ces passagers arrivés à bon port savent combien leur voyage était risqué. En trois mois, rien que dans la région de Constantine, on a compté 51 sabotages. François Pagès / Paris Match
En ce temps-là, mon père entrait dans l'adolescence. Il avait 13 ans et n'avait jamais vécu ailleurs que dans sa ville natale, Oran, la radieuse, la joyeuse, la ville des lions, espagnole, ottomane et française, sur les flancs du Murdjadjo. Il habitait rue Condorcet - aujourd'hui Nedjah Mahyou - à Miramar - aujourd'hui Haï El Moudjahidine - au 3e droite, un trois-pièces minuscule face à la mer, avec le ciel sur le toit entre les fils à linge. Mais ce jour-là, pour la première fois, l'attendait l'inconnu, l'imprévu : le train. Pas le tortillard, le « bouyouyou », comme on l'appelait, qu'il prenait avec ses parents en fin de semaine pour aller à la ferme à Misserghin, qui s'arrêtait partout et mettait des heures, si lent que les Arabes avaient le temps de descendre acheter des pastèques, des figues sur le bas-côté, et de remonter dans la rame en marche... Il me l'a raconté souvent. Ce train-là, le transalgérien, est différent. En Inox, plus sérieux, plus grave, sièges en cuir, wagon-restaurant... Il y a beaucoup de soldats avec des armes, des fusils-mitrailleurs, des sacs de sable. Ils sont jeunes et sourient, de ce sourire qu'on brandit quand on a peur et qu'on ne sait pas ce qu'on fait là, entre un vieil homme qui vend des cacahuètes, un autre endormi sous sa djellaba, et ce couple insouciant, elle coquette, joueuse, maquillée, bijoutée, avec leur petite fille et la fatma qui cache sa figure.
Mon père entend les mots « rébellion », « fellagha »
« La bataille du rail », ont dit les autorités, ou comment protéger les 2 270 kilomètres de chemin de fer entre Casablanca et Tunis, les postes d'aiguillage, les tunnels, les gares. Certaines de ces dernières ont des allures de fortins, parce que, depuis quelque temps, on parle d'« événements », d'actes isolés, perpétrés par des bandits qui font dérailler les trains, déboulonnent, sabotent la voie comme dans les westerns, entre deux falaises, deux défilés, en haut des cols, au milieu des mechtas en feu, des plaines arides, des poteaux abattus. Mon père entend les mots « rébellion », « fellagha », « protéger la paix », « entente merveilleuse », « colons », « indigènes », « Algérie française ». Nous sommes en 1956 et, dans ce train pour Alger la blanche, la bien gardée, il voyage avec mes grands-parents et leurs valises en peau de porc contenant tout et rien, leur vie, mais sans les cages à oiseaux, ni les boîtes de Meccano, ni les cultures de chrysanthèmes, ni le phonographe, ni « C'est aujourd'hui dimanche, tiens ma jolie maman, voici des roses blanches », que fredonnait souvent ma grand-mère à Dijon, dans sa petite cuisine, des années plus tard. Une chanson dont je ne mesurais pas le gouffre et le chagrin.Dans ce train qui l'emmène, mon père ne sait rien encore de ce qui le tourmente. Il s'éloigne du lieu de sa naissance, de « là-bas », disaient-ils tous quand ils parlaient du pays, l'Algérie, dont ils ne prononçaient pas le nom. À gauche, la mer, à droite cette étendue jaune, plus grande encore, vers le sud, Sahara, wilayas jusqu'à Tamanrasset, ces noms sésames ouvrant la caverne de ses rêves. Il ne sait alors rien du lieu où ils vont, dans le chaos, le vacarme, le bourdonnement, le bercement de l'autorail. Mon père, mes grands-parents, que j'imagine là, leurs visages jeunes, lointains, effacés par le sable et le vent, le rouge sirocco. Leurs voix couvrent les secousses de l'Histoire, les cahots de l'oubli, traversent la mer, défient le temps.
La voix, c'est ce qu'il me reste en dernier de quelqu'un, moi qui ai toujours aimé les trains, les parfums et les échos des exils d'où je viens.
La suite après cette publicité
Anne Plantagenet est l'auteure de « Trois jours à Oran », éd. J'ai lu, 2015.
Olimac- Record bleu
-
Nombre de messages : 5349
Localisation : dans le Sud Express 313
Date d'inscription : 15/11/2006
Montplaisir, Pamias et alpha3175 aiment ce message
Re: Reportage-photo intéressant de Paris-Match sur le Transalgérien en 1956...
Merci pour ce beau reportage.
TOSQUE Jean-Louis- Record 150
-
Nombre de messages : 8789
Age : 71
Localisation : LAMAGUERE GERS 32
Date d'inscription : 12/04/2011
Sujets similaires
» Embranchements Mallet de Portet et Cazères
» 1956 - Téléchargement de l'indicateur CHAIX SNCF National été 1956
» Reportage Photos - 2011 : Ballade entre Mont de Marsan et Tarbes
» Reportage Photos (non daté) : Train Spécial de l'ABAC entre Facture, Lacanau-Ville, et Bordeaux
» Reportage sur le Paris Rodez
» 1956 - Téléchargement de l'indicateur CHAIX SNCF National été 1956
» Reportage Photos - 2011 : Ballade entre Mont de Marsan et Tarbes
» Reportage Photos (non daté) : Train Spécial de l'ABAC entre Facture, Lacanau-Ville, et Bordeaux
» Reportage sur le Paris Rodez
Trains du MIDI :: Sur les Rails Partout Ailleurs :: Sur les Rails de l'étranger ::
❾ - Les Autres Pays
Page 1 sur 1
Permission de ce forum:
Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum